GEORGES BALANDIER, anthropologue et sociologue, utilise le mode de lecture anthropologique pour le décryptage des figures et des problèmes de la modernité, dont ceux qui sont les nôtres. Le détour africain a été, pour lui, l'initiateur de cette orientation. Son étude des Brazzavilles noires est, au cours des années cinquante, la première effectuée dans une capitale africaine francophone, au moment où un tournant décisif est pris. L'expansion modernisante accompagne alors les mouvements d'émancipation. Une nouvelle ville se fait, beaucoup s'y donne à voir à l'état naissant : de l'économique au politique, du sociétal au culturel. Une recherche « totale » s'accorde à cet ensemble de processus où tout se tient et se montre lié dans l'action et l'interaction ; elle débouche sur une problématique urbaine, une sociologie du vécu, du mouvement, de l'actuel. L'ouvrage qui en exprime les résultats manifeste les grandes transformations, dont la formation des classes et la montée de l'individualisme ; il fait paraître les acteurs de ce vaste refaçonnage : le travailleur, l'innovateur, le politique, le prophète, et la femme jeune, inventrice d'une autre quotidienneté. C'est la préfiguration des grands bouleversements dont le monde entier est maintenant la scène.