Ce livre analyse la force, l'originalité, la longévité du nationalisme radical algérien, et rendre intelligible le coût ultime de la formule populiste et de l'entrée dans la modernité politique. Read More
Guerre civile, guerre sainte, deuxième guerre d'Algérie ? Nouvelle guerre intérieure, plutôt ; sans véritable précédent, et pourtant inscrite profondément dans une longue histoire coloniale, pleine de bruit et de fureur. Pour comprendre les fractures actuelles de la société algérienne, il faut remonter aux années trente et au parti de l'indépendance qui s'imposera bientôt au pays, d'abord à la ville musulmane (1936-1939), puis à l'Algérie de l'intérieur (1942-1948). Ancré dans la sociabilité du café et du quartier, porté par l'entregent d'une jeunesse scolaire frustrée de reconnaissance sociale, il prend la tête d'un mouvement interclassiste de militants autodidactes issus du salariat à statut et des petits métiers. Maître des mots, maître des masses, "maître de l'heure", il doit son efficacité au réinvestissement d'un vieux modèle de parité entre les frères, installant le lien national entre la solidarité "tribale" et l'égalitarisme de l'islam.
Ce livre voudrait montrer la force, l'originalité, la longévité du nationalisme radical algérien, mais aussi rendre intelligible le coût ultime de la formule populiste et de l'entrée dans la modernité politique. Dans une société clivée et mixée entre Orient et Occident, tiraillée entre holisme et individualisme, et crispée sur la question des mœurs, le parti islamique apparaît à beaucoup comme un recours : l'ancien équilibre des tensions maîtrisé par le populisme se transforme en un vertige nourri par l'anomie. Après le viol des urnes, la frange radicalisée de la jeunesse sollicitée par le réseau des mosquées répond à un autre appel. Les groupes armés renversent la relation entre watan et jïhad et déplacent le combat contre l'ennemi intérieur. Ils veulent ajuster la société à leur vision de la communauté, substituer l'ordre divin à l'ordre humain, dans une sorte d'ordalie des temps modernes.
PRÉFACE, par Jean Leca
Introduction
Travail social et tensions critiques
Violence politique et culture de la guerre
PREMIÈRE PARTIE SOCIALISATION ET MOBILISATION LA CONQUÊTE D'UN ESPACE POLITIQUE
Chapitre 1 Classe d'âge et citadinité
Socialité du proche et connivence juvénile
La jeunesse explosive
Chapitre 2 Le parti en médina
Le parcours étoiliste
La mobilisation de la sociabilité associative
Chapitre 3 Entre ville et campagne
Le modèle diffusionniste et le Nord-Est constantinois
Pertinence du modèle, complexité du réel
Chapitre 4 L'orateur et son public
Le corps parlant
Le corps « priant »
Chapitre 5 Genèse d'une société civile
Modernité politique et école coloniale
Associations et société civile
Chapitre 6 Les lieux du politique
Le « dehors » et le « dedans »
Le « sacré » et le « profane »
Le « visible » et l'« invisible »
Sociabilité ancienne, politisation moderne
SECONDE PARTIE CULTURE, VIOLENCE, IDENTITÉ LE COÛT DE LA MODERNITÉ
Chapitre 7 Nationalisme et populisme
Narodnicki, Latinos et Wafdistes : un cadre de référence
Populisme et mouvement national
Le populisme messaliste
Chapitre 8 Nationalisme et identité : La crise « berbériste » de 1949
De la référence au réfèrent
De la métamorphose de l'être à la métamorphose du sens
Chapitre 9 Violence coloniale et mystique insurrectionnelle
Le « choix des armes »
La « machine » paramilitaire
Action et inaction
Violence politique et violence symbolique
Chapitre 10 Gestuelle du pouvoir et modèle de souveraineté
Ben Bella
Boumediene
Chadli
Chapitre 11 Religion et politique
Aller au « Front » : les « raisons de la colère »
Thérapie et thérapeutes : l'école, la mosquée et la « solution islamique »
Le FIS, l'événement et la longue durée
Conclusion
D'une guerre à l'autre ?
Ancêtres, généraux et émirs. La résistible recomposition de la scène politique
Violences dans la culture, culture de la violence
Culture de guerre et guerre culturelle
Retour à la paix et à la société civiles ?