Les trois premiers volumes des Chroniques électorales, consacrés à l'analyse des élections des années 1992, 1993 et 1994 avaient débouché sur un même constat : celui d'un assez profond "désordre électoral", marqué par une abstention souvent élevée, un vote s'éloignant de ses bases sociales, partisanes et idéologiques, des reclassements subits de l'électorat et, enfin, une dispersion croissante du vote sur des forces périphériques. Ces caractéristiques se confirment avec le vote de 1995 qui est un vrai vote de crise.
L'élection de 1995 a mis à nu la crise profonde du système partisan et le désarroi stratégique des partis, la crise de la représentation et la prise de distance avec les partis de gouvernement. Elle a surtout renvoyé l'écho politique de la crise sociale, avec son lot de désillusions, de protestations et d'absence de désir politique. L'élection présidentielle a aussi été celle de mutations électorales avec l'atténuation sensible de la traditionnelle bipolarisation entre gauche et droite, l'apparition de nouveaux clivages entre les gens "d'en haut" et les gens "d'en bas", et la volatilité qui a affecté tous les électorats et façonné une victoire, certes ample pour Jacques Chirac, mais aussi fragile parce que labile.