Que reste-t-il de l'aventure « spirituelle » de la Résistance française, telle qu'on peut la percevoir à travers les récits, nouvelles et romans qui en constituent le témoignage ? Et d'abord, comment comprendre un tel désir d'écriture alors que l'heure était au combat et à la mort ? Dans quel but et pour quel public ? La fiction autorise toujours un certain recul ; les personnages introduisent la nuance, la critique, le paradoxe. D'une certaine manière, tout paraît permis. Ce sont précisément cette fiction et le mélange des genres à travers lesquels elle s'exprime qui vont permettre un discours original, hors des contraintes politiques (ce qui n'est pas le cas pour la presse clandestine) ou linguistiques (à la différence de la poésie). Littérature « libératrice », certes, mais pas pour tout le monde : il y a des absents — les femmes, les étrangers, pourtant nombreux dans la Résistance. Quant aux acteurs reconnus, les gaullistes, les communistes, les chrétiens, il est intéressant de voir comment ils sont présentés : à partir de quand et pourquoi des références politiques précises, des « étiquettes » apparaissent-elles dans cette littérature, alors que le coup d'envoi avait été l'apolitique Silence de la mer ?