Frédéric Viguier retrace dans cet ouvrage l'histoire de la cause des pauvres depuis 1945, combat qui s’est souvent soldé par des victoires à la Pyrrhus face aux représentants des hautes sphères de l’État social et à leur conception d’une bonne action publique. Read More
La lutte contre la pauvreté connaît une transformation majeure depuis la fin du XXe siècle. Longtemps au coeur d'une politique sociale inclusive, « les pauvres » sont désormais une catégorie d’individus qu’une administration tatillonne stigmatise, tout en leur dispensant d’insuffisantes prestations. Comment est-on passé d’un idéal d’insertion sociale à l’injonction de traverser la rue pour trouver un emploi ?
Pour comprendre cette évolution, Frédéric Viguier retrace l’histoire de la cause des pauvres depuis 1945. Il décrit notamment le travail mené par des associations comme ATD Quart Monde ou la Fédération des acteurs de la solidarité dans les campements et les cités de transit de l’après-guerre et la façon dont elles ont, au fil des ans, porté cette cause sur les scènes administratives, politiques, médiatiques et scientifiques. Un combat qui s’est souvent soldé par des victoires à la Pyrrhus face aux représentants des hautes sphères de l’État social et à leur conception d’une bonne action publique.
Introduction
I – LA CAUSE DES PAUVRES DOMINÉE (1945-1955)
Chapitre 1 – Combattre la misère par l'extension du salariat
Le triomphe de la cause des salariés dans l'espace politique
Le soutien communiste à la Sécurité sociale
L’affaiblissement de la droite à la Libération
La cause des salariés au coeur de l’État
Un système compréhensif au service des travailleurs
Une administration sociale attractive
Une élite administrative éloignée du pouvoir économique et politique
Le maintien des politiques assistantielles aux marges du salariat
L’institutionnalisation de la division entre assistance et assurance
L’absence d’une couverture du risque chômage
L’absence du logement dans la définition de la protection sociale
La protection sociale des travailleurs migrants : une double exception
Chapitre 2 – L’assistance sociale délégitimée par la Sécurité sociale mais toujours indispensable
Centralisation et redéfinition de l’assistance
La création de l’Uniopss
Les réformes de l’assistance de 1953-1955
Un secteur social privé important
Un monde des oeuvres sans autonomie politique
Les oeuvres au service du mouvement ouvrier
Les oeuvres catholiques locales
Le Secours catholique, une oeuvre moderne mais hostile à la politique
Une dénonciation catholique sociale de la misère du monde
Les formes de dénonciation de la misère du monde dans l’espace médiatique
L’abbé Pierre et « l’insurrection de la bonté »
Joseph Wresinski et le mouvement ATD Quart Monde
II – LA CAUSE DES PAUVRES S’AUTONOMISE (1955-1968)
Chapitre 3 – La découverte d’une pauvreté persistante au sein de la société d’abondance
Les exclus de l’amélioration de la protection sociale
Un nouveau système incomplet d’assurance-chômage
Le développement du logement social et ses insuffisances
Les découvreurs de la persistance de la pauvreté dans les pays riches
L’exemple américain
Le PCF et la thèse de la paupérisation de la classe ouvrière
La nébuleuse centriste et les réserves sur le productivisme
Les dimensions culturelles et symboliques de la pauvreté selon ATD
La morphologie sociale du bidonville de Noisy-le-Grand
La culture de la pauvreté
Lutter contre la stigmatisation institutionnelle
Chapitre 4 – De la charité à la mobilisation politique : le cas exemplaire d’ATD Quart Monde
Aide à toute détresse : « rééduquer la charité »
L’incertaine légitimité de la présence d’ATD au camp de Noisy-le-Grand
Une invention : le volontariat de longue durée
Le recrutement d’alliés influents
Poursuivre après la résorption des bidonvilles
L’investissement de la science et de la formation
L’invention du temporaire durable
Vers un mouvement politique
III – LA CAUSE DES PAUVRES S’INSTITUTIONNALISE (1968-1984)
Chapitre 5 – Redéploiements au coeur de l’État social
L’étatisation de la gestion de la Sécurité sociale
L’échec de la « démocratie économique »
La croissance du rôle de l’État dans la gestion de la Sécurité sociale
Les recompositions de la haute administration
Des nouveaux arrivants formés à l’économie, « science royale »
Le déclin du ministère du Travail
Le lenoirisme : un bastion administratif social à l’heure de la réduction des « charges sociales »
René Lenoir : un défenseur de la « prévention » confronté aux débuts du « New Public Management »
Un petit monde de hauts fonctionnaires du social sous l’emprise du contrôle des dépenses
L’interdépendance entre hauts fonctionnaires du social et associations sanitaires et sociales
Chapitre 6 – Fragilisation du consensus politique et intellectuel sur l’assurance sociale
Un « âge d’or » ambigu pour le salariat
Les progrès de la condition salariale
Le déclin des risques sociaux traditionnels
Le choc de la crise et l’apparition de la précarité salariale
Les débats politiques sur la protection sociale
La conversion de la droite française au monétarisme : dualiser la protection sociale
La gauche et la protection sociale au cours des années 1970
Le gouvernement socialiste du keynésianisme à la désinflation compétitive
Les intellectuels à la recherche d’un nouveau peuple
Du compagnon de route à l’intellectuel spécifique
La « deuxième gauche intellectuelle » contre l’Union de la gauche
Chapitre 7 – Légitimation et institutionnalisation des associations de la lutte contre la pauvreté
L’émergence d’un nouveau groupe socioprofessionnel favorable à la cause des pauvres : les travailleurs sociaux
Les réformes de l’action sociale et du travail social des années 1970
L’incomplète autonomie professionnelle des travailleurs sociaux
Une parole collective monopolisée par les employeurs associatifs
L’affirmation de la légitimité des associations à mettre en oeuvre des pans de politique publique
La légitimation internationale et ses paradoxes
La légitimation « gestionnaire » et ses paradoxes
La légitimation citoyenne et ses paradoxes
IV – LA PAUVRETÉ ET L’EXCLUSION DEVIENNENT UN PROBLÈME PUBLIC (DE 1984 À NOS JOURS)
Chapitre 8 – L’exclusion : de la genèse difficile d’une catégorie à son succès comme problème public
L’administration de l’action sociale en quête d’une expertise
« Les Exclus » de René Lenoir : un plaidoyer pour la Direction de l’action sociale
Une statistique publique réfractaire
Les efforts de la DAS pour obtenir des données scientifiques sur l’exclusion
« L’exclusion » : une science sans savants légitimes
Résistances des sciences sociales « établies » aux problématiques de la recherche contractuelle
La nouvelle recherche sociologique et l’exclusion
Les paradoxes de la recherche contractuelle sur le social
Les associations s’emparent de la catégorie d’« exclus »
Les prudences initiales d’ATD face aux incitations de l’administration sociale
L’exclusion selon ATD : une opportunité
L’exclusion : une question qui compte en politique, de 1986 à 2007
Chapitre 9 – La cause des pauvres a-t‑elle échappé à ses premiers avocats ?
La politique française de lutte contre l’exclusion limite la pauvreté sans l’éradiquer
Évolution des chiffres de la pauvreté en France depuis la création du RMI en 1988
Réduction de la couverture contre le chômage
La lutte contre l’exclusion : une politique qui ne doit pas coûter cher
Croissance du mal-logement
Le déclin du « bastion social » créé par René Lenoir
Les redéploiements des hauts fonctionnaires du social vers l’expertise et le contrôle
Martin Hirsch et l’institutionnalisation du précariat assisté
Des associations de lutte contre la pauvreté désenchantées ?
Les ressorts politiques de l’engagement des dirigeants des grandes associations caritatives
Les ressorts techniciens et managériaux de l’engagement
Les ressorts générationnels d’un engagement
L’insertion contre la charité médiatique
Chapitre 10 – Une minorité devenue majoritaire ?
Comment l’exclusion structure les représentations des classes populaires aujourd’hui
La cause des pauvres se diffuse dans l’espace des mobilisations pour les classes populaires
Conversions syndicales à la lutte contre l’exclusion
Le système assistantiel comme point de fuite des mouvements protestataires
La consécration scientifique et intellectuelle d’une vision des classes populaires
Le déclin de l’influence intellectuelle de la sociologie
L’« econometric turn » du champ des sciences sociales
L’institutionnalisation du savoir associatif : un contre-feu efficace ?
Conclusion
Bibliographie sélective
Remerciements