Évidente, et pourtant délaissée par l'analyse, la dimension psycho-émotionnelle est partout présente dans la vie politique. Un régime ne survit que par la crainte qu'il suscite ou l'adhésion qu'il sait mobiliser. Quotidiennement, ses gouvernants se heurtent, sous couvert de divergences politiques ou idéologiques, à l'apathie, au mécontentement ou à la colère. Ils s'affrontent entre eux par convoitise, rivale, des mêmes biens ; mais s'ils veulent se maintenir au pouvoir, il leur faut donner à croire et à rêver. La démocratie pluraliste est solide aujourd'hui dans les pays occidentaux. Est-ce parce que le peuple y exerce une réelle souveraineté ? Est-ce parce que la liberté et l'égalité s'y concrétisent chaque jour ? Non, bien sûr. L'hypothèse de ce livre se situe en dehors de cette langue de bois. S'il y a eu consolidation institutionnelle (elle est en effet remarquable), c'est largement en raison de l'aptitude supérieure des démocraties à gérer, sans les étouffer, les dynamismes émotionnels qui traversent la société : frustrations sociales et agressivité, désirs d'illusions et peurs multiples, indifférence rampante coupée de politisations brusques.