À partir de recherches empiriques menées autour des mouvements de démocratisation en Belgique, Espagne, Turquie, au Liban et au Canada, ce numéro analyse les modalités de l'alteractivisme mis en oeuvre par des jeunes militants sur les places, en ligne ou dans leur vie quotidienne. Read More
Si certains en doutaient encore, les années 2010 ont démontré que les jeunes ne sont pas que des « citoyens de demain en formation », rôle dans lequel les cantonnent trop souvent les institutions. Ils sont dès aujourd'hui des acteurs majeurs de nos sociétés.
À partir de recherches empiriques menées autour des mouvements de démocratisation en Belgique, Espagne, Turquie, au Liban et au Canada, ce numéro analyse les modalités de l’alteractivisme mis en oeuvre par des jeunes militants sur les places, en ligne ou dans leur vie quotidienne. Dans des contextes différents, les auteurs montrent comment l’engagement se fonde sur la conviction d’un lien étroit entre le changement personnel et la transformation de la société. Ils soulignent aussi les défis et limites de cette culture militante face aux logiques de la politique institutionnelle, de l’autoritarisme et de la violence.
DOSSIER Jeunes alteractivistes : d'autres manières de faire de la politique ? Perspectives internationales
Un dossier coordonné par Geoffrey Pleyers et Brieg Capitaine
Introduction Alteractivisme : comprendre l'engagement des jeunes
Geoffrey Pleyers, Brieg Capitaine
« J'aimerais être une antenne »
Pratiques et sens de l'engagement à l’ère des cultures en réseaux
Sandra Rodriguez
Cet article explore les multiples raisons qui poussent de jeunes militants à recourir au Web et aux médias sociaux dans le cadre d’actions engagées, comme espaces d’expérimentation, de résistance et de relation aux autres. Il met en lumière le rôle, la valeur et la portée que ces jeunes attribuent aux actions menées en ligne, rappelant leur inscription au coeur de pratiques quotidiennes et au croisement d’une multiplication des modes de participation et des modes d’interaction qui marquent leur univers social et politique. Il souligne les logiques d’action et le sens de l’engagement dont témoignent leurs usages sociomédiatiques et leurs pratiques engagées. Loin des perspectives technocentristes, le sens que ces jeunes militants donnent à leurs actions révèle une remise en question de ce qui sous-tend le changement social dans un contexte médiatique lui-même complexe.
Anticonfessionnalisme et alteractivistes au Liban
Alexandra Kassir
Cet article a pour objet l’émergence de nouvelles formes de contestations antisystème dans le Liban d’après-guerre. Il s’intéresse à l’engagement d’activistes anticonfessionnalistes, pour la majorité des jeunes, indépendants des formations politiques traditionnelles, qui revendiquent une séparation du politique et du religieux et aspirent à construire un projet démocratique. Afin de saisir ces modalités d’engagement qui émergent à l’écart du champ de la politique institutionnelle, cette recherche se base sur différentes méthodes qualitatives, observation participante, entretiens biographiques et semi-directifs et un « moment » d’intervention sociologique. Elle révèle comment la voie de la subjectivité que prennent les activistes les rapproche et les éloigne simultanément de la réalisation de leurs aspirations à la démocratie.
Éléments pour une vision plurielle de l’engagement politique : le militantisme existentiel
Emeline de Bouver
Alors que d’aucuns déplorent un désintérêt des jeunes pour le politique, des études empiriques montrent que des formes spécifiques d’engagement se développent au sein de la jeunesse, notamment autour du défi écologique. L’avenir de la planète apparaît en effet comme un des enjeux essentiels sur lesquels les jeunes militants entendent avoir un impact. Mettre l’écologie au coeur de son engagement n’est pas sans conséquences, cela contraint le militant à repenser le cadre et la forme que prend son action politique. Les recherches présentées dans cet article amènent l’auteure à abonder en ce sens et lui ont permis d’observer les tensions propres à l’engagement écologique qui peuvent être à l’origine de nouvelles façons d’investir le politique.
Juventud Sin Futuro : précarité, subjectivité et alteractivisme dans la jeunesse espagnole
Antonio Álvarez-Benavides
Cette contribution a pour but d’analyser le collectif alteractiviste Juventud Sin Futuro (« Jeunesse sans avenir »), dont les revendications ont pour objet central la lutte contre la précarité de la jeunesse. Ce collectif fut créé quelques semaines seulement avant le célèbre 15-M ou mouvement des Indignés, raison pour laquelle un grand nombre d’observateurs le considèrent comme l’une de ses sources principales. Dans cet article, l’auteur analyse les traits fondamentaux de ce collectif à partir de la sociologie des mouvements sociaux, et ce dans le cadre de l’activisme post-2010. Il explique également comment les nouveaux processus de subjectivation au sein de ces initiatives tendent vers de nouvelles formes politiques, dont la prétention est non seulement d’influer la politique traditionnelle, de la transformer ou bien d’en être une alternative, mais aussi d’y mettre fin.
L’individualisme solidariste des actrices de Gezi et l’émergence de nouveaux sujets
Buket Türkmen
Alors que les femmes sont majoritaires dans la résistance de Gezi, les constats et les analyses publiées sous-estiment cette caractéristique « féminine » et se concentrent plutôt sur le nouveau langage de résistance et de mouvement social. Cette contribution a voulu combler cette lacune en donnant la parole aux femmes activistes de Gezi. L’auteure observe d’abord ce que signifie, pour la société turque, l’émergence d’un nouveau type d’individualisme, l’individualisme solidariste, et son impact sur la subjectivation des activistes femmes jeunes et sur celle des femmes de la génération précédente. Elle interroge ensuite la constitution de nouveaux types d’organisation et d’alteractivisme, en essayant de comprendre quels sont les écarts entre ce nouveau type d’activisme et celui hérité de la génération précédente. Ce dernier ne va pas forcément dans le sens d’un renforcement de la capacité d’agir et de devenir acteur dans la société.
HORS DOSSIER
« Mineurs trans » : de l'inconvénient de ne pas être pris en compte par les politiques publiques
Arnaud Alessandrin
À travers des chiffres et des témoignages issus d'une thèse de sociologie et d’une enquête sur la transphobie, cet article vise à éclairer les trois espaces de tension qui caractérisent les parcours sociaux des mineurs trans. Il s’intéresse ainsi, dans un premier temps, à la famille, laquelle s’avère un soutien précaire et incertain, d’ailleurs peu étudié, par la recherche contemporaine. Il s’arrête ensuite sur l’expérience scolaire des mineurs trans, marquée par une participation fragile et l’absence de prise en compte politique de cette question. Enfin, il interroge les parcours de santé, dans une tradition de prise en charge nationale peu encline à penser ces nouvelles figures de la transition.
Participation civique et politique des jeunes : rôle des relations intergénérationnelles
Ilaria Pitti
L’objectif de cette contribution est d’explorer les représentations et les pratiques de participation des jeunes en accordant une attention particulière aux influences des relations intergénérationnelles sur l’interprétation juvénile de la citoyenneté. Elle présente une étude qualitative menée auprès d’un échantillon représentatif de jeunes et d’un échantillon d’adultes significatifs à Bologne (Italie). Les résultats soulignent que les relations entre jeunes et adultes influencent la préférence des jeunes pour certaines formes de participation ainsi que le sens qu’ils attribuent à leur comportement participatif.
Les maisons des organisations étudiantes en France et en Allemagne
Un lieu de sociabilité masculine et d’encadrement (1871-1914)
Antonin Dubois
Cet article se propose d’analyser dans une approche comparative les enjeux liés à la possession de véritables locaux par les organisations étudiantes françaises et allemandes entre 1871 et 1914. La possession d’une telle maison permettait à la fois l’implantation des organisations étudiantes dans les « espaces étudiants » et le renforcement de la cohésion des membres, grâce à la mise à disposition d’espaces spécifiques aux formes de sociabilité bourgeoises masculines. Les maisons étaient de ce fait des lieux d’encadrement des étudiants.