Le second volet du dossier sur l'agence financière met en perspective la situation contemporaine. En rappelant les étapes historiques importantes, les différences et les passages d'une configuration politique à l'autre, il permet de mesurer les cheminements complexes par lesquels cet espace social s'est constitué et affirmé comme s'il était autonome.
Sabine Montagne montre comment la figure contemporaine de l'investisseur - conçue comme celle d'un individu doté d'outils techniques et d'une capacité de décision indépendante - est le produit d'une circulation conflictuelle, dans les années 1960, entre des identités sociales issues du milieu universitaire et du milieu des gérants de fonds.
Barry Cohen et Bruce Carruthers décryptent le tâtonnement cognitif qui a conduit à la création du système de notation à la fin du XIXe siècle, en fonction des stratégies commerciales concurrentielles des agences de notation de l'époque - ces dernières définissant progressivement ce qu'étaient l'« information » et l'« opinion » dans l'évaluation financière. Liliana Doganova suit les transformations d'une formule de calcul devenue centrale dans l'évaluation et l'investissement, depuis ses premières ébauches en Allemagne au XIXe siècle jusqu'à son adoption par les entreprises et la finance globale au xxe siècle, et montre comment les différents acteurs -individus, entreprises, États - l'ont mobilisée avec des objectifs, des justifications et des conséquences variables selon les configurations historiques. Enfin, hors dossier, Thomas Brisson propose une analyse sociologique des critiques postcoloniales à partir du cas de Tu Weiming, intellectuel sino-américain considéré comme l'un des principaux représentants du courant néo-confucéen.