Le 6 rue Lecomte abrite, à partir de 1925, le Service des affaires indigènes nord-africaines. Bientôt surnommé le « bureau arabe », il traite de nombreuses plaintes et requêtes venues des deux bords de la Méditerranée, qui donnent à comprendre la situation coloniale et l'expérience migratoire au quotidien. Lire la suite
Le 6 rue Lecomte abrite, à partir de 1925, le Service des affaires indigènes nord-africaines. Rattaché à la préfecture de police, il est chargé de surveiller les travailleurs coloniaux qui ne sont ni pleinement français ni étrangers. Bientôt surnommé le « bureau arabe », il accueille plus de 300 personnes par jour, essentiellement des Kabyles venus travailler à Paris. Le SAINA est un organe principalement répressif mais il traite néanmoins de nombreuses plaintes venues des deux bords de la Méditerranée. Ces requêtes donnent à comprendre la situation coloniale et l'expérience migratoire au quotidien : dettes de jeu, affaires familiales, demandes d’exonérations fiscales, dénonciation de faits de corruption, litiges fonciers, etc. Rédigées le plus souvent par des écrivains publics, elles sont la matière d’une micro-histoire intime et politique, qui relie la Kabylie et la métropole parisienne.
Explorant les quinze cartons d’archives, sauvées in extremis des caves humides d’une école, Emmanuel Blanchard a mené l’enquête. Les lettres exhumées révèlent les stratégies d’adaptation à l’État colonial de colonisés qui, finalement, n’apparaissent jamais autant « ingouvernables » que lorsqu’ils demandent à faire valoir leurs droits, c’est-à-dire à être gouvernés comme des administrés, non à être commandés comme des sujets.
Avertissement
Préambule
Introduction
Une administration coloniale à Paris
Du « bureau des pétitions » à celui « des interventions »
Ombres des scripteurs et figures d'écrivains publics
Une histoire coloniale qui « remet le colonial à sa place »
Une diglossie heuristique
À l’échelle de la Kabylie
Structure du récit et parcours de lecture
Akbou, 12 mai 1934
Chapitre 1 – La République au village kabyle
Des communes « mixtes »
Des douars oubliés
Le caïd du douar
La « crise du caïdat »
« L’économie morale » des relations entre les caïds et leurs administrés
Appartenances sociales et « héritages immatériels » occultés
Rue Lecomte, Paris (17e arr.), 4 janvier 1934
Chapitre 2 – « Empêchez l’exode de vos mesquines »
Du « resserrement » au « rapatriement »
Une « émigration inéluctable »
Exigences de contrôles et revendications de la « liberté de voyage »
Circulations kabyles
Les rapatriements comme ultimes recours
Alger, mars 1934
Chapitre 3 – Les répertoires des pétitionnaires
D’innombrables pétitions
Des appels à l’intercession
Un ordonnancement social des adresses à l’administration
Mizan, mars 1936
Chapitre 4 – Des droits à (r)établir
Immigré-colonisé, de quel droit ?
« Trouver son juge en Algérie n’est point toujours facile »
La justice coloniale au miroir de l’émigration
Akbou, 12 septembre 1934
Chapitre 5 – Une terre à défendre
Les formes multiples de la dépossession foncière
Des émigrés à la reconquête de la terre perdue ?
« Décolonisation » des terres et déprise agricole
Commune des Bibans, 4 février 1934
Chapitre 6 – Ordonner les familles
Des femmes misérables et des familles fragilisées ?
Spectre et présence de la roumia
Des enfants illégitimes ?
Conclusion. L’adresse aux autorités comme « art de la présence »
Bibliographie
Remerciements