Si le racisme a déjà fait couler beaucoup d'encre dans la littérature des sciences sociales, et si l'immigration fait l'objet de toutes les attentions et reçoit de nombreuses publications, l'analyse des processus « d'ethnicisation ordinaire » en est encore à ses balbutiements. Loin des formes brutales et spectaculaires d'un racisme tonitruant, ce dossier s'intéresse aux formes plus subtiles d'ethnicisation qui se déploient dans l'ordinaire des relations sociales. Les contributions réunies ici s'attachent à décrire et analyser la prégnance banale, normale, routinière des classements sociaux fondés sur l'origine. Quelles logiques sociales, économiques et spatiales ont contribué à les façonner ? Comment s'articulent-t-elles avec le racisme ordinaire ? Il sera peu question ici de criminalisation de l'immigration, de brutalités policières, d'invectives publiques ou de crimes à caractère raciste, mais de logiques sociales, économiques et institutionnelles, parfois animées des meilleures intentions, qui informent aussi l'expérience quotidienne des groupes minoritaires. De cette complexité des relations qui se tissent au jour le jour entre groupes majoritaires et minoritaires, il s'agit moins de dégager une analyse univoque des ferments de la colère que de démêler l'écheveau de relations asymétriques qui n'excluent ni la collaboration sur les lieux de travail, de loisir et de résidence, ni la confiance mutuelle, ni la convivialité ni même l'amitié. Pour les chercheurs, il est aujourd'hui moins question de dessiller les yeux des observateurs du monde social que de poursuivre une analyse rigoureuse des relations interethniques et du racisme, dans un domaine où de nombreuses friches empiriques et théoriques demeurent. En particulier, un point reste moins exploré : que nous apprend l'expérience sociale des acteurs sociaux et des groupes en situation minoritaire ?