En exploitant de riches archives, Simon Godard raconte à travers l'expérience du CAEM -plus connu sous le nom de COMECON, son acronyme anglais- une autre pratique quotidienne de l'intégration européenne au sein du monde socialiste, et livre une histoire sociale de la construction du bloc de l'Est. Lire la suite
Plus connu sous le nom de COMECON, son acronyme anglais, le Conseil d'aide économique mutuelle a été fondé en 1949 par l'URSS et ses alliés des démocraties populaires pour servir à la fois d'instrument de dialogue Est-Est et de vitrine du socialisme dans la compétition avec l’Occident, notamment avec la Communauté européenne.
Alors que les organisations internationales montent en puissance durant la seconde moitié du XXe siècle, cette institution à l’alchimie complexe joue un rôle de laboratoire d’acculturation transnationale pour ses fonctionnaires, dont l’expérience n’est pas si éloignée de celle de leurs homologues occidentaux, avant de devenir, paradoxalement, un espace de contestation de l’hégémonie soviétique au sein du bloc de l’Est.
En exploitant de riches archives, Simon Godard décentre le regard, trop souvent focalisé sur les institutions occidentales, pour raconter à travers l’expérience du CAEM une autre pratique quotidienne de l’intégration européenne au sein du monde socialiste et livrer une histoire sociale de la construction du bloc de l’Est.
Introduction
L'histoire des organisations internationales au service de la désingularisation du monde socialiste
Construire l'Est : microhistoire globale du deuxième monde
Ce que l'histoire transnationale révèle de l'internationalisme socialiste
Une autre Europe au CAEM ?
Une histoire sociale du pouvoir
PREMIÈRE PARTIE – UNE EUROPE SOCIALISTE ALTERNATIVE ?
Chapitre 1 – Le CAEM et l’organisation de l’économie-monde socialiste
Des institutions pour le deuxième monde
Le système CAEM : une organisation complexe, en développement permanent
Un corps de fonctionnaires dédié
L’échec du projet de Commission supranationale au plan
Genèse et limites d’une Europe socialiste
La coordination internationale des plans
Networking socialist Europe : les infrastructures du CAEM
Le soft power du CAEM
Chapitre 2 – Plusieurs Europes ?
Ignorance ou concurrence ? Le CAEM face à l’OECE et à la CEE
La guerre froide et l’impensé de la construction économique européenne à l’Est
La CEE, un concurrent au modèle de plus en plus mobilisé dans la réforme du CAEM
De la coopération paneuropéenne dans le cadre de l’ECE...
L’alliance intéressée de deux institutions faibles
Une coopération qui renforce le CAEM à l’Est
... à la reconfiguration des rapports de pouvoir dans le bloc socialiste
Les « petits États », moteurs méconnus des réformes du Conseil
Le CAEM, instrument de la contestation de la domination soviétique sur le bloc
DEUXIÈME PARTIE – FAIRE VIVRE LE TERRITOIRE DU BLOC SOCIALISTE
Chapitre 3 – Moscou, capitale du bloc socialiste
Représenter le territoire du bloc dans l’espace urbain moscovite
Quand la capitale de l’URSS devient celle du monde socialiste
Les espaces du CAEM dans Moscou
Au plus près des espaces du pouvoir soviétique
Affirmer son autonomie sans s’éloigner des lieux de pouvoir soviétiques
Concurrence et distinction avec les autres espaces internationaux
Quand le CAEM incarne le bloc
Moscou : espace d’autonomie pour les agents du Conseil ?
Quand l’abandon fait vivre le bloc
Un territoire CAEM hors viseur : le désintérêt des polices politiques
L’abandon, condition de reconfiguration du territoire du bloc socialiste au CAEM
Chapitre 4 – Vivre en internationalistes modèles : le quotidien des agents du CAEM
Le goût de l’expatriation
La mobilité internationale, facteur de distinction des élites socialistes
La délégation au CAEM : un retour à Moscou
Naissance d’une communauté professionnelle au Conseil
Une culture de bureau spécifique
Des agents engagés qui défendent l’administration internationale
L’action syndicale commune, catalyseur d’une identité professionnelle transnationale
Faire société au CAEM en marge de l’environnement soviétique
Une communauté de privilégiés
L’intégration des femmes et des enfants à la vie de l’organisation
L’entre-soi national, une réalité persistante
Chapitre 5 – Projeter le bloc
Un leadership contesté
Les réseaux parallèles des Organisations économiques internationales
Des logiques de professionnalisation transnationale similaires
Amener les entreprises à penser leur développement à l’échelle du bloc
Quand les meilleurs s’organisent par-delà les frontières
Les expositions internationales du CAEM : publiciser les succès collectifs
Des « familles » d’experts au chevet du bloc socialiste
Création des brigades internationales de spécialistes
Des communautés épistémiques ?
Concours de beauté ou école pratique de formation internationale ?
Élire la meilleure entreprise du bloc ?
Le temps long des apprentissages transnationaux
Des brigades qui pensent et parlent à l’échelle du bloc
TROISIÈME PARTIE – LES NOUVEAUX PROFESSIONNELS DE L’INTERNATIONALISME SOCIALISTE
Chapitre 6 – De la difficulté de devenir expert du CAEM
Des qualifications professionnelles d’abord incertaines
Des débuts difficiles : quand les « politiques » dominent les « techniciens »
La situation s’améliore
L’équilibre capital technique/capital politique : un rapport de force entre le Conseil et les États membres
L’autonomie professionnelle d’experts politisés est-elle possible ?
Le secrétariat impose le recrutement de techniciens
Une technocratie internationale socialiste
Qu’est-ce qu’un « bon fonctionnaire international » au CAEM ?
L’autonomie professionnelle transnationale, facteur d’isolement
Parler russe : ticket d’entrée dans les réseaux du CAEM
Un apprentissage lent...
... accéléré par les cours de langue du secrétariat
Une maîtrise linguistique rare qui prédétermine le recrutement des experts
Le Conseil et son jargon : nouveau moyen de sélectionner des experts ès-CAEM
Chapitre 7 – Différentes façons d’être internationaliste au CAEM
Les diplomates
Un groupe majoritaire...
... mais progressivement marginalisé au CAEM
Les passeurs
Des ambassadeurs qui gardent un ancrage national...
... mais évoluent entre deux mondes
Un cas à part : les secrétaires du Conseil
Vers des carrières-CAEM spécifiques
Commencer jeune pour réussir ?
La « mafia » du Conseil
QUATRIÈME PARTIE – EXPRIMER L’INTERNATIONALISME SOCIALISTE
Chapitre 8 – La politique de communication du Conseil, outil de création du sentiment communautaire
Médiatiser l’action commune
La politique de communication du Conseil en débat
Informer l’Occident, et pas le seul monde socialiste
Canaliser les discours
Choisir une forme adéquate pour le message
Propagande ou communication ?
Les codes de la communication internationale
Qui parle du CAEM ?
L’organisation légitimée et renforcée par la publication de son action
De nouveaux réseaux de publicistes internationaux
À qui parler du CAEM ?
Un public restreint mais stratégique
Traduire les textes ou manquer sa cible
La communication du CAEM comme outil de dialogue Est-Ouest...
Suivre ou non le modèle genevois de l’ECE ?
Contrer, orienter, renverser le discours de l’adversaire
... et comme outil d’autolégitimation à l’Est
Raconter l’internationalisme socialiste en actes au CAEM
Un discours performatif qui tourne en rond
Chapitre 9 – Affirmer une identité par le conflit
Les experts du CAEM, ambassadeurs nationaux ou électrons libres internationalistes ?
Garder un oeil sur les intérêts nationaux
Du national à l’international, une transition identitaire fluide
Promouvoir l’intérêt commun
Une idée qui émerge lentement et dans le compromis
Vers une « communauté socialiste » ?
Le rôle des conflits dans la construction des identités
Une culture de la dispute répandue
Le conflit, catalyseur d’identité
L’identité transnationale, ou la pratique d’une double loyauté
Le petit théâtre de la coopération internationale et la gestion de rôles multiples
Une socialisation au compromis
Conclusion
Chronologie
Sources
Archives
Sources imprimées
Sources orales
Bibliographie
Bloc de l’Est et communisme au quotidien
Organisations internationales
Approches transnationales et internationalismes
Socialisation des fonctionnaires internationaux
Annexe 1 – Organigramme simplifié du CAEM
Annexe 2 – Le CAEM et les espaces du pouvoir dans la Moscou sovietique
Remerciements